9.5/10Downhill Jamboree de Chamrousse

/ Critique - écrit par Kassad, le 26/05/2004
Notre verdict : 9.5/10 - Que la gravité soit avec toi (Fiche technique)

Tags : jamboree chamrousse descente downhill location roller messages

Le rassemblement

La date n'est pas vraiment fixée. Cependant, en plein coeur de l'été à Chamrousse se déroule la plus grande fête païenne de la gravité. Le nom de cet événement est "Donwhill Jamboree de Chamrousse". C'est un rassemblement où sont bienvenus tous les engins sans moteur : street luge, rollers, longboards, caisses à savon, gravity bike, planche à repasser munie de trucks et de roulettes (véridique)... La seule limite est celle de votre imagination. Le but est d'y faire chanter les platines sur les 10 km de descente et les sept épingles fermées à la circulation pour l'occasion. Il s'agit du plus long free-ride d'Europe. D'ailleurs des riders de nombreux pays et disciplines sont là. Pour chaque fête, sa tenue de célébration. En l'occurrence, quand on les voit à l'arrêt, les participants ressemblent plus ou moins à des gladiateurs. Plaques dorsales, coudières, genouillères, tenues de moto en cuir, casque intégral, gants, protèges-poignets, crash-pads, bricolages maisons à base d'ajout de plaques en plastique sur les vêtements ou de morceaux de pneu sous les chaussures.

L'épiphanie

En ce qui me concerne, il s'agissait d'une première. Je n'avais commencé la descente que depuis peu, et mon enthousiasme me tenait lieu d'expérience et de technique. Dès la sortie de Grenoble, les vertes pentes du massif de Belledonne donnent le ton. Rien à voir avec les pentes de la Croix-Rousse ou de Fourvière, ne serait-ce que de par le cadre. Tout commence par l'inscription où le croyant est obligé de fournir l'aumône et une partie obligatoire de l'habit de cérémonie (le casque) pour que le clergé local y appose sa bénédiction (des petits auto-collants servant de forfait pour prendre les cars une fois arrivé en bas). Me voilà sur la ligne de départ. Les street-luges, les plus rapides d'entre nous, sont parties depuis quatre minutes. Dans quelques secondes ce sera notre tour, aux rollers, de nous lancer. Go ! La première impression est étrange, finalement la pente est douce, mais elle est longue et à force d'être longue la vitesse augmente. Pour l'instant pas de problème car pas de virage. Juste les patins qui vibrent un peu (tiens, ça va vraiment, vraiment vite). Je ne dois pas être loin de mon record personnel de vitesse sur roller quand le premier virage, un gauche tranquille, s'annonce. Surtout ne pas s'énerver, on reste groupé et ça doit passer. De toute manière je suis entouré d'une meute de patineurs. Ce n'est pas le genre de situation où on peut dire "pouce j'arrête !". Premier gros freinage avant la première épingle à droite. Le premier freinage c'est celui qui vous libère ou qui vous tue. La platine glisse ou vous passez au-dessus. Après, c'est comme si une sorte de frein psychologique sautait : savoir qu'on est dans une journée où l'on est capable de freiner correctement vous rend plus léger.

Le chemin de croix

La principale caractéristique de la descente de Chamrousse est sa longueur. Elle est 4 à 5 fois plus longue que les plus longues descentes " traditionnelles ". Suivant votre niveau cela peut faire de dix à quinze minutes d'effort soutenu. La plupart du temps vous êtes en position de schuss (donc en position assise sans chaise), mais il faut aussi être capable de sortir le bon geste technique quand une épingle arrive. Avec les cuisses tétanisées par plusieurs dizaines de secondes de contraction intense et immobile tout devient, comment dire, moins facile à gérer. C'est souvent l'origine des "boîtes" qui vous font comprendre le pourquoi de la tenue de célébration. C'est en me roulant par terre (involontairement) que je me suis dit que finalement le prix de ma dainese (gilet de protection muni d'une dorsale) était bien ridicule à comparer des centimètres de peau qu'elle venait de me sauver.

La rédemption

La chaleur, la brûlure du soleil, les muscles gorgés d'acide lactique, les chutes, les attentes interminables avant les départs, les frayeurs dans les virages où l'on rentre à quatre riders de front chacun sur sa trajectoire... Mais qu'est-ce qui peut bien nous pousser à nous fourrer dans des pétrins de ce type-là ? Si vous ne trouvez pas la réponse c'est que vous n'avez jamais pris un virage en étant tellement penché que vous pouvez effleurer le sol de votre main tout en sentant vos platines glisser vers l'extérieur. C'est ce moment magique où vous êtes le juge de paix entre la gravité et la force centrifuge. Aucune de ces deux forces cosmiques ne doit l'emporter, et vous, vous êtes au milieu, trait d'union entre deux mondes. Il y a aussi ces descentes, où vous êtes dans un petit groupe, et suivant les virages, les freinages vous doublez et vous êtes doublés sans cesse, réminiscence de l'enfance dans une sorte de jeu de l'épervier à plus de soixante km/h. Enfin, il y a ce sentiment propre à tous les conquérants de l'inutile. Une fois terminé, on se retourne et on se dit : "Tiens, je l'ai fait, je n'aurais pas cru, et en plus je me suis même amusé".

Je n'aurai qu'une phrase en guise de conclusion : encore un rendez-vous incontournable à graver dans les agendas. La prochaine célébration a lieu les 23-24-25 juillet 2004. Qu'on se le dise !