9/10L'Enfance de Mammame

/ Critique - écrit par Lilly, le 18/12/2005
Notre verdict : 9/10 - Briser le stéréotype d'une danse élitiste (Fiche technique)

La tribu Mammame

Lutin danseur né dans un théâtre, le Mammame aime à réchauffer sa couenne sous la lumière chaude du projecteur soleil. Mais un jour le projecteur disparaît et la tribu de Mammames se donne corps et âmes pour le faire revenir en (photo Guy Delahaye)
(photo Guy Delahaye)
expérimentant tous types de danse.

Voilà le thème de départ de ce spectacle de danse chorégraphique pour jeune public. Le groupe Emile Dubois, dirigé par Jean-Claude Gallotta, directeur du Centre Chorégraphique de Grenoble, a joué maintes et maintes fois Mammame, un spectacle pour adultes entré dans son répertoire. Le groupe décide alors d'adapter le spectacle pour le rendre accessible à l'enfant. Art associé à l'enfance par excellence, le conte servira d'appui pour capter l'attention des enfants et leur offrir un accès à la danse. La danse se caractérise par sa quasi absence de narration, apparaissant souvent comme abstraite et élitiste. Ici, un Mammame conteur introduit chaque danse par une anecdote, les mots se mêlent aux corps et à la musique, les enfants rient, se réjouissent de reconnaître sur scène les danseurs qui sont venus faire la veille des interventions dans leurs classes.
Les 9 danseurs sont présentés, appelés par leurs propres prénoms et identifiés à des personnages fantastiques, la Grande Sirène, le Prince de la Terre, la Reine des Volcans... Chacun développe son univers corporel personnel, dans un esprit général de grande gaieté. L'imaginaire peut trouver à se déployer largement dans cette mythologie vivante qui s'offre devant nos yeux.

Signé Gallotta

Quant aux danses, elles offrent de brèves images des richesses de la danse contemporaine : danses collectives, danse au sol, duos, portés, autant de techniques qui sont discrètement évoquées. La qualité des danses et des danseurs n'est pas diminuée par le fait qu'il s'agisse d'un spectacle jeune public. Les gestes sont vifs et précis, les danseurs font preuve d'une grande rigueur dans l'expression corporelle qu'ils partagent tout en revendiquant les spécificités des uns et des autres. Comme toujours chez Gallotta, l'énergie est primordiale. On retrouve les courses pieds aux fesses, les petites gestes de mains, le contact en duos qui lui sont chers, et qui ont, et je parle en mon nom, parfois un très léger côté agaçant. Pourtant, les scènes de groupe sont très réussies, mixant les mouvements collectifs et la dissymétrie des danseurs, simulant une grande coordination rompue tout à coup par un geste subversif d'un danseur. Les duos et solos sont également très plaisants, mêlant grâce des danseurs, et humour des positions déplacées.


Tout spectateur ressort en ayant acquis une connaissance des possibilités offertes par la danse contemporaine, et avec en tête une idée juste du travail de Gallotta. L'ambiance est très agréable, sans verser dans la démagogie, puisque le propos chorégraphique reste exigeant, et les danseurs d'une haute technicité. La venue au spectacle est accompagnée d'une affiche A3 en papier glacé couleur représentant en quelques vignettes de BD le spectacle que l'on s'apprête à voir, remplaçant ingénieusement l'imbuvable feuille de salle.
Comme apéritif au spectacle, les élèves du Conservatoire de Grenoble ont servi au public des amuse-gueule empruntés au spectacle, bribes de chorégraphie qu'ils ont préparées avec l'équipe de danseurs. On a du mal à croire, en voyant la qualité de la danse, la personnalité de chacun, leur audace, qu'ils ne sont que collégiens !

Au grand Gallo

C'est donc une très belle initiative que cette 1ère adaptation pour le jeune public de Jean-Claude Gallotta, qui, tout en se faisant plus accessible, préserve l'exigence artistique. S'il faut émettre un bémol, ce sera pour le décor. Quelques chaises, un projecteur, des draps servent une mise en scène épurée. Ce peut être un choix esthétique tout à fait valable, les lumières, et la danse participant à rendre à eux-seuls les ambiances évoquées. On regrettera toutefois d'apercevoir les murs grisâtres de la MC2 : surmontés de gros radiateurs venir briser le charme. Quelques pendrions auraient été la bienvenue...

La magie a néanmoins fonctionné si l'on s'en remet au sourire de ces enfants, à l'attitude apaisée de ces adultes, qui avec moi se sont laissés prendre au jeu, et qui ne pourront, à la sortie, que garder une bonne image de la danse.

à la Maison de la Culture de Grenoble jusqu'au 22 décembre, et sûrement partout ailleurs