8/10Festival de Marionnette 2006 - Grenoble

/ Critique - écrit par Lilly, le 02/03/2006
Notre verdict : 8/10 - Note globale (Fiche technique)

Tags : evenement theatre festival salle marionnette marionnettes mobile

Chaque année une équipe de passionnés prépare un bouillon chaleureux dans son chaudron merveilleux, ce sont des marionnettes colorées, de chiffons, de bois, de métal, de pâte d'amande, de poils, ou l'on ne sait de quelles matières, de petits êtres ou de grandes créatures, pleines de vie et de tempérament qui sortent du savant mélange mijoté.
Evoquons quelques menus concoctés par les chefs de cuisine.

L'histoire de chat ou le maître botté par la compagnie l'Alcazar

Ambiance cabaret, tables rondes et fruits secs, canapés et bières, quand deux extravagants bousculent les spectateurs confortablement installés pour prendre leur place sur l'estrade. Ils nous conteront avec fougue l'histoire d'un chat botté, la bête de poil manipulée avec brio, tordu et malicieux. L'histoire n'est en fait qu'un grand prétexte à provoquer le rire du public. Les spectateurs seront tour à tour arbres de la forêt, lapins... et princesse. Oui c'est un bonhomme grassouillet qui est choisi par le duo infernal pour interpréter la douce princesse. Les yeux chargés de larmes rieuses, les spectateurs contemplent l'accoutrement ridicule de cette princesse virile avant de découvrir qu'il s'agit en réalité d'un comédien dissimulé dans le public. Un bon moment plein de rebondissements, beaucoup de chaleur dans l'hilarité partagée avec simplicité. Pourtant, l'excitation désordonnée qui envahit la salle efface la marionnette elle-même, en l'occurrence le fameux chat botté. Si l'ambiance est à son comble, le pari esthétique n'est pas des plus audacieux.

Le Polichineur des tiroirs - Compagnie les chemins de la terre

Un classieux marionnettiste belge se transforme en polichineur philosophe. Loquace, le professeur Olaf Stevenson nous présente sa ribambelle de personnages improbables auxquels nos yeux amusés accordent avec bienveillance le don de vie. Ce sont des pâtes modelées, des fruits, des ustensiles, une fermeture éclair, un poulet... Avec ingéniosité, le polichineur leur donne une forme et une voix crédibles. Ce sont des historiettes d'amour, des représentations de notre monde pathétique et attendrissant. L'humour est vif et mordant, le ton de la dérision affectueuse omniprésent. C'est un one man show qui prend appui sur des trouvailles sympathiques dans la réappropriation de ces objets du quotidien. Les blagues s'enchaînent, parfois s'en est peut être trop, parfois le temps se fait peut être long, le spectacle ne se veut pas révolutionnaire, mais c'est un bon spectacle tout public, l'occasion de prendre du plaisir en riant à l'unisson, toutes générations confondues.

Compagnie Drolatic Industry

Ce sont de courts spectacles de la compagnie qui ont été choisis pour le festival, de petits bouquets de nerfs, des concentrés de bonne humeur.

Les aventures de Sam Trevor

Le skrull est un monstre redoutable reconnaissable par sa mâchoire féroce, son bec puissant et le plume qu'il porte sur sa croupe. La tâche du grand Sam Trévor sera de l'affronter. Un batteur accompagne l'aventure des marionnettes manipulées avec dynamisme. Le super héros maladroit se heurte aux parois du petit théâtre, il court de façon grotesque, les combats sont plus cocasses que violents. Les mouvements et les bruitages nous charment et on ne peut que sourire face à cette épopée décalée et si peu grandiose.

La mort en cage

Un manipulateur a enfermé Madame la mort en cage, une marionnette à gaines chinoise étrange et vêtue de haillons, un masque blanc, une allure de sorcière. Madame la Mort a visité le village du conteur. Première maison : elle s'empare non sans peine de la grosse brute. On reconnaît ici les jeux de jambes et combats saugrenus aperçus dans l'aventure de Sam Trévor. Elle rencontre dans la deuxième maison une jeune femme bien sentimentale et...collante. Elle aura également le dernier mot et fauchera la jeunette. Troisième maison c'est un fou indomptable qui la surprend. Difficile à piéger, il empruntera tout de même les chemins de la Camarde. Quatrième maison, le conteur enferme la mort en cage, en se faisant passer lui même pour la mort. A peine le temps de se vanter de ses exploits, il se retourne et réalise que Madame la mort s'est éclipsée de sa cage. Il sera sa quatrième victime. Un bref récit simple mais prenant, les personnages y sont saisissants d'expression.

L'enfer du décor


La compagnie Drolatic Industry signe là du sceau de son génie. On lui connaissait alors les fables drôles et rythmées, manipulations précises et gestes déplacés. On découvrira ici un décor et une mise en scène aboutis dans une satire réussie du tragique Métro Boulot Dodo. Deux ouvriers en bleu de travail mettent en route le décor de la pièce, ils s'arment devant nos yeux de leurs marionnettes, puis se cachent derrière la paroi criblée. Monsieur X se lance dans la course à la folle journée, le réveil strident, le bus agressif et surchargé, le travail répétitif et chronométré, pause, on reprend, on s'arrête, on dort, le réveil... La paroi tourne. L'envers du décor. L'enfer de la routine partagée par les marionnettistes eux mêmes que l'on voit s'agiter pour démarrer cette nouvelle journée. Même schéma, mêmes mots, les rouages qui s'activent, Monsieur X repart au travail, les marionnettistes attendent impatiemment la fin de la journée, mais pour quel but ? Le sommeil, le temps des rêves pour seule attraction. C'est une vision poétique qui nous invite dans le monde du marionnettiste, tout en parodiant la vanité de notre vie sociale. Humour et mouvement sont les deux ingrédients favoris de la compagnie Drolatic, mais s'ajoutent ici une portée sociale douce amère et une mise en scène surprenante. Une démarche artistique plus audacieuse qui mûrit par son travail de beaux fruits d'imagination.

Le festival de marionnettes propose donc un panel alléchant du monde de la création marionnette. L'humour est souvent présent et permet un accès en famille aux spectacles. Le sens de certaines pièces n'en est pas pour autant diminué. On regrette bien sûr que le charme de l'ADAEP ne fasse pas oublier les défauts scéniques de la salle, mais on salue l'énergie qu'il faut déployer pour défendre un art peu présent dans une période aussi déserte que celle des vacances d'hiver à Grenoble. Encore quelques jours pour profiter de l'événement basé à l'ADAEP et la Petite roulotte mais présent également à la Faïencerie, au Tonneau de Diogène, EVE et à l'Espace 600.