9.5/10Nuits Sonores 2008 - Lyon

/ Critique - écrit par Dat', le 15/05/2008
Notre verdict : 9.5/10 - Late Night Tales... (Fiche technique)

Tags : lyon nuits sonores festival photos scene edition

Les sixièmes Nuits Sonores de Lyon se sont déroulées à merveille, brassant 55.000 personnes sur 4 jours. Ou comment écouter de la musique électronique et/ou indépendante dans toutes les rues de Lyon.

La vie, c'est comme un film de Luc Besson. C'est un peu pourri, mais ça va vite et c'est assez marrant. Enfin, ça, c'est que je me suis dis quand on m'a annoncé que les trains venus de l'ouest de la France allaient avoir du retard. Beaucoup de retard. Alors on regarde sa montre. On se dit que l'heure fatidique approche. Que pour Marc Twins, c'est mort. Mais ce n'est pas tout. L'heure du live ultra attendu d'Underworld approche. Le début est même imminent, et l'on continue pourtant à piétiner dans un hall de gare, en fulminant contre la SNCF et ses sandwiches aussi fins qu'un tour de poignet. Heureusement, comme dans un film de Luc Besson, les Taxis, à Lyon, sont super rapides. Ils filent même comme le vent. Et sont au courant que les Nuits Sonores vont retourner la ville pendant 4 jours.

Ah oui, les Nuits sonores. Festival grandissant chaque année, prenant de plus en plus d'importance au fur et à mesure que la programmation s'étoffe, et que Lyon l'accepte, s'ouvre et encadre même le tout. Festival bâtard, autant payant que gratuit selons les étapes, éparpillées dans les coins les plus marquants ou incongrus de la ville. Festival Urbain. Urbain, mot diablement important. Doigt d'honneur à tous ceux qui pensent qu'une manifestation electro d'envergure doit obligatoirement se retrouver coincée dans un champ, entre deux vaches, un ancien cloché, dix camions de CRS et une tente du Samu. Les Nuits sonores, c'est dans le centre de Lyon. Les Nuits sonores, c'est dans une usine désaffectée. Dans un ancien couvent. Dans le Palais de la chambre de commerce. Dans les rues. Les Bars. Dans la piscine municipale. Sur les berges du Rhône. Ou carrément bien installé chaudement à l'Opéra.

L'année dernière, les Nuits Sonores, c'était près de 50 000 personnes déambulant dans Lyon, avec pour point de ralliement les Subsistances, superbe lieu, ancien couvent surplombé d'une verrière à filer le vertige. On danse, on danse, on danse. On lève la tête 6 heures du matin, le soleil se déploie au dessus de vous, étrangle de ses reflets, dans la sérénité absolue, alors que 6 000 personnes sautent dans tous les coins autour de vous, avec bouteilles de bières et autres joyeusetés qui volent au dessus des multiples caboches. A rendre fou le plus barré des paysagistes.

 

Nuit 1 : Mercredi 7 Mai 2008 / Fast and (presque) Furious

Autant dire qu'en arrivant (en trombe) sur l'ancienne Usine SLI, nouveau site des Nuits Sonores, et ancienne fabrique d'ampoule, ben j'ai fais la gueule. Méchant. Tout est gris. Poussiéreux. Des poteaux cradingues zèbrent les salles. Je fonce vers le stand pour me prendre une bière avant le grand saut, un mec tente de me gerber sur le froc. Sympa. Puis on ouvre les yeux, on observe : L'ambiance est folle. Jun Matsuoka balance une bonne Drum and Bass qui donne envie de faire vibrer le bas du corps. Le ton est donné, direction Underworld. La tête d'affiche de ce festival. (Pas pour moi, qui guettais comme un fou la venue d'un héros japonais, mais on y reviendra)

l'Usine SLI avant invasion...
l'Usine SLI avant invasion...
Qui n'a pas attendu les retardataires. On débarque en plein live enflammé. La salle est impressionnante. Les poteaux sont bardés de néons rouges, tranchant avec la veste jaune or de Mr Hyde. Le Live est étonnamment plus axés sur les teintes calmes et apaisées du dernier disque du groupe anglais Oblivion With Bells. On passera bien par quelques loopings dance efficaces (dont il me sera impossible de reposer les titres dessus, tant cela fait des lustres que je ne m'étais pas replongé dans les disques du groupe..),  mais les deux tiers du Live nous plongeront dans un lit de synthés extatiques. On ne pouvait pas rêver meilleure entrée en matière. Changement radical avec le rock énervé de The Wire, qui malgré un age avancé, arracheront la gueule des mauvaises langues à coup de guitares outrancières et autres ravalements de façade. On s'attendait à une bande de vieux survoltés, on aura des mecs droits comme des "i". Mais la musique défonce, c'est le principal. Décidé de se laisser aller aux grés des secousses électroniques, la décision de se diriger vers Cobblestone Jazz se fait presque naturellement. Surprise encore, le groupe se révèle bien plus énergique, plus dur et techno que sur disque. Du tout bon. On oublierait presque que Jeff Mills est en représentation, bizarrement placé dans la petite salle. Trois quatre beats, une petite dernière heure de errements musicaux, assommé par la fatigue, on rentre comme des morts de faim, près à s'enrouler dans la première couette venue.

 

2eme Nuit : Jeudi 8 Mai / Association des Tympans Anonymes.

Le Jeudi, les Nuits Sonores, c'est gratuit. Une dizaine de points musicaux, dans des salles de concerts comme dans les lieux étonnants cités plus haut.

Comble de bonheur, après Gourmets Recordings l'année dernière, c'est bien un nouveau label lyonnais qui était à l'honneur en ce jeudi, avec Jarring Effects, premier étendard du Dub à la française. Ce qui ne pouvait que me plaire. Depuis les prémices d'High Tone sur disque, je n'ai cessé de harceler mon banquier pour pouvoir acheter les disques sortis par le label. D'ailleurs la structure abrite encore et toujours Ez3kiel. Groupe phare de la soirée, devant présenter leur dernier brûlot sur scène. Ou pas, annulation au dernier moment. On se consolera en se disant qu'ils pointeront le bout de leurs guitares début Juin.

Même sans Ez3kiel, l'affiche de la soirée n'allait pas faire pale figure. L'attraction...et apres invasion !
...et apres invasion !
du soir, c'était sans conteste les américains de Dälek, connus pour des performances Live hors du commun, dans la musique elle-même comme dans son traitement sonore. Un Hiphop sombre, âpre, sec comme la mort. Qui draguera plus les amateurs de Métal ou de Dark-Ambiant que de clubs enfumés. Je m'attendais à une déflagration impressionnante, je me retrouve devant un spectacle inhumain. Aidé d'un guitariste peu avare en Headbanging, Dâlek balancent les morceaux les plus violents et secoués de leur répertoire, avec une puissance sonore à faire  imploser la salle. Les boules Quies sont de rigueur. Sérieusement. Sincèrement. Les consultation ORL ont dut exploser le lendemain matin sur la ville. Les spectateurs prennent peur. Le public fuit petit à petit, apeuré par cet attentat. La salle se vide, au fur et à mesure que le groupe déroule ses perles cataclysmiques. Dommage, ils auront loupé le moment de grâce, à vous soulever de terre, à vous arracher le cœur, lors du titre Ever Somber, sorte de trip My bloody valentinien coupé au hip-hop, et qui éclaircissait déjà la galette Absence. Le temps de reprendre son souffle et de jeter les tympans à la poubelle que les prometteurs REVO pointent le bout de leurs nez. Excellent sur disque, je n'attendais qu'une chose : qu'ils confirment cette rage sous jacente perlant au long de Artefacts.../ . Tout le monde est unanime : les deux Morlaisiens ont balancé ce qui est sans hésitation le Live de la soirée. L'effet fut contraire au concert précédent d'un point de vue public : Les curieux se sont petit à petit amassés dans une salle qui laissait filer des cris de jouissance d'une façon quasi perpétuelle, jusqu'à ce que cette dernière soit pleine à craquer. Les murs se souviennent sûrement encore de titres comme mcmlxxx ou le miel est plus doux que le sang tant ces derniers ont fait chavirer la JFX III. J'attendais évidemment beaucoup de Fumuj, qui m'ont littéralement renversé avec leur dernière sortie. Live énergique, bien branlé, majoritairement vocal (pas de pièces Dub pour divaguer un minimum), et balançant un Rock-electro-funk-hiphop de haute volée. On retiendra l'énorme refonte de Play MyFucking Shit, tirant sur plus de 20 minutes.

Quand à Brain Damage, le live était maculé de mystère, après un très bon disque qui s'évertuait néanmoins à aligner des titres de maximum deux minutes. Le groupe avait prévenu que ces derniers allaient être retravaillés pour la scène. On a pu assister au final à un concert dub dans les règles de l'art. Extatique pour la plupart du temps, rarement secoué, sonorités world en veux-tu en voila, et toujours surplombé de basses tonitruantes, zébrant l'air façon coup de fouet. Mention spéciale aux chœurs d'enfants, qui vous téléportent dans une cour d'école avec l'irrépressible envie de se taper une marelle, alors qu'il est 5 heures du matin et qu'on se roule dans la saleté d'une usine désaffectée. La magie de la musique. Sinon j'ai failli mourir dans un accident avec la navette gratuite du retour mais passons, le transport était gratuit, il n'y a donc pas matière à se plaindre...

 

Nuit 3 : Vendredi 9 Mai / Last night a DJ(aponais) saved my life...

Manimal Instinct
Manimal Instinct
J'ai un peu honte, mais j'assume. ZE tête de liste pour ces nuits sonores, ce n'était point Laurent Garnier, mais bien Dj Krush. Ok, cela ne dit peut être pas grand-chose aux amateurs de beats techno kilométriques, mais pour moi, ce maître turntabilist japonais, c'est un peu dieu sur terre. Voila c'est dit, je vais pourvoir continuer ce texte sans objectivité aucune. Première marche, l'excellent Manimal (Instincts), défenseur d'un rap autant français qu'anglais, et (tour de force) parfaitement maîtrisé dans les deux langues. Où l'on mettra en avant une tripoté de titres de son premier Ep disponible gratos sur le net, Back to the primitives, tous paraphés des scratchs de Bonetripps, avec le fabuleux Time en point d'orgue. On aura même une apparition surprise des Gourmets pour un titre. Parfait pour entamer cette longue nuit. Playdoe continuera de porter la flamme hip-hop dans un univers plus  cabotin et barré, avec les instrues  absolument hystériques d'un Dj Fuck qui m'étonnera toujours. On passe de titres aux allures gangsta à des délires regressivo-chiptunesques, en échouant sur de gros titres trance-hop.

Petit détour sur la scène où Agoria et Laurent Garnier allaient passer 7 heures à faire un Versus en musique. La foule a l'air conquise, mais trêve de babillages, le temps d'une bière, on fonce à tombeau ouvert voir Dj Krush. Salle à craquer, presque irrespirable. Le Monsieur ne nous a pas déçu. Technique irréprochable, saccadant, mutilant, nécrosant ses propres morceaux d'une façon ahurissante. On passe du Hip-hop à la Drum & Bass d'une façon presque sibylline mais jouissive, avec un final proche du chaos. Le rappel se fera sur deux titres tirés de Jaku, instaurant une atmosphère bien plus zen et posée. La grande classe.

Encore étourdi par une performance que je rêvais de voir depuis des années, on Antipop Consortium
Antipop Consortium
prend racine (toujours dans la même salle depuis le début de la soirée ! ) pour être en bonne place afin de profiter de la formation Rock expé Battles. Un seul mot : Déception. Le tout est froid en live, pas engageant pour un sou, alors que leur Mirrored était une petite perle d'architecture rock, pleine de surprise, d'à-coups et de contre rythmes. Leur réputation n'était pourtant plus à faire en live, mais ici, il est forcé de croire que la sauce n'a pas prise. Le contraste sera donc d'autant plus saisissant avec l'incendie Antipop Consortium, récemment reformé après 5 ans de split (avec un nouvel album annoncé pour cette fin d'année). Très électro, synthés bien crades, beats pachydermiques, le nouveau APC risque de secouer dur. Les mecs font le show comme jamais, tout le monde devient fou à l'entame du fameux PingPong. Si l'on excepte une cigarette inconnue malencontreusement débarqué sur le dos de ma main, le tout frise presque la perfection. Allez, on se fait violence, et l'on quitte (enfin ! ) la salle 3 pour se rendre dans l'antre principale, celle où le roi de l'électro française, Laurent Garnier, joutait pendant 7 heures avec son petit prince Agoria. Difficile de résumer une nuit de performance en une heure, de surcroît en fin de set, mais le pied sera au final monstrueux, après une soirée passée sur des beats plus ou moins escarpés. On repartira lessivé, mais avec un sourire encore imprimé sur le visage au réveil.

 

NS Block Party II : Samedi 11 Mai / Sometimes...

Après un détour au village Mix Move, casé dans le sublime Palais de la bourse de Lyon, pour le point presse des précités Laurent Garnier & Agoria, on  ne peut s'empêcher de divaguer dans les artères de Lyon, écrasée par le soleil, et transformée en capitale Techno le temps d'un Week-end, avec des bars crachant des rythmes électroniques à fond les ballons dans tous les coins de rues. Celle de l'Arbre-Sec évidemment, où il était presque impossible de se mouvoir, tant le monde se pressait autour de quelques enceintes. Alors on marche. On vagabonde. On passe par Musicalâme, une très bonne librairie spécialisée dans la musique. On se perd dans la vieille ville. Et l'on échoue sur les berges du Rhône.NSBlockParty II et sa belle vue
NSBlockParty II et sa belle vue
Où Lyondon & Bakastyle ont eu la bonne idée d'organiser une petite sauterie, pour couvrir l'après midi et le début de soirée. Dj Bubbz & Dj Spy balancent ce qu'il faut de Hip-hop pour rester accrocher aux berges, en regardant les gosses se rouler dans les pataugeoires, et les badauds se demander ce que fout un attroupement de 500 personnes au beau milieu de la ville. Mais le soleil terrasse l'organisme après 3 nuits sans sommeil réparateur. Il est temps de se sustenter, en promettant de revenir en fin de journée, pour profiter plus sereinement du spectacle. Grave erreur, nous avons loupé sans le savoir la legende Dee Nasty. Ne retournons pas le couteau dans la plaie. Armés de boissons bien fraîches, et à la vue d'un soleil qui ne demande qu'à plonger, on se laisse alors prendre dans le tourbillon. Et c'est bien simple, oubliez les Krush, les Garnier, les Fumuj, les Jeff Mills. Cette fin d'après midi fut sans conteste le meilleur moment de ces nuits sonores.

Certes, un événement imprévu condamnait ma venue à la dernière nuit du Samedi soir. Ces heures allaient donc être les dernières, ce qui biaise le jugement. Mais pas seulement. Tout était là. Tout. Les bastos Techno / Hardcore voir pop de Gero. Le soleil qui fondait dans un couché rougeâtre de toute beauté en face de nous. La population. On ne pouvait pas faire plus riche. La symbiose était totale. Du jeune Tecktonikeur survolté au Rasta encore embué de son dernier joint, en passant par les demoiselles très apprêtées, les mecs torse poil hurlant à la mort, les technivaliers pas rassasiés de leur dernière virée en Bretagne, les jongleurs, les enfants, les parents, les amateurs de Hip-hop, de Techno, de Drum, les passants, les chiens, les curieux, les drogués, les supporters de l'OL, les serveuses du bar à coté, des vieux et même un chat : tout le monde danse, rigole, apprécie le moment sans prise de tête, sans jugement. Juste l'envie de s'oublier quelques minutes.

Moi, en haut des marches, je me perds dans mes pensées, je fixe la foule, je prie le soleil qui se meurt en nous étreignant dans son manteau rouge-orangé. Ce genre de visions, ce bonheur exacerbé m'a toujours rendu nostalgique.

Alors je me lève, une boule dans la gorge, jette dernier coup d'œil sur cette masse frôlant le millier de personne, dansant, criant, chavirant à chaque nouvelle attaque musicale. Puis je tourne la tête, plonge dans la nuit noire et, tout en essayant de dompter ce satané sifflement dans mes oreilles, je me dis que la vie, même si elle ne tient pas toujours à grand-chose, est parfois émaillée de beaux moments...

Merci à Sylvain.