9/10La Vallée des Contes - Innocent Yapi à Turckheim

/ Critique - écrit par Lestat, le 04/07/2006
Notre verdict : 9/10 - No one is Innocent (Fiche technique)

L'Afrique est notre berceau à tous, dit-on. Peut-être est-ce à la recherche de leurs racines et de la voix de la Terre qu'une centaine de Blancs, hommes, femmes et enfants, se sont entassés dans la Salle de la Décapole de Turckheim, pour écouter les contes d'Innocent Yapi. Perché sur une scène, un petit bout d'homme est là. Son sourire barre de blanc sa peau chocolat. Il rit, sautille, parle. Parle beaucoup. Chante parfois. Innocent Yapi est venu apporter "la parole du soir", celle des anciens "du village", réinterprétée à sa façon.


De Breitenbach à Sondernach en passant par Metzeral, le festival de la Vallée des Contes sillonne, comme son nom l'indique, le long de la Vallée de Munster, dans le Haut-Rhin. A chaque arrêt, un nouveau conteur, un nouveau spectacle. Marionnettes ou histoires de gnomes en dialecte, qu'ils viennent de la région ou du Tchad, les intervenants viennent transmettre une petite histoire, ou un patrimoine qui leur est cher. Parfois l'un ne va pas sans l'autre. Tout à la fois Alsacien et Ivoirien, Innocent Yapi est venu avec ses petites histoires qui veulent dire beaucoup. Parfois grave, souvent malicieux, s'interrompant le temps de quelques boutades au public, Innocent Yapi n'a pas besoin de micro pour se faire entendre. Jamais à court de second degré, c'est une boule d'énergie, faisant vivre ses contes à un public rapidement conquis. Imitant l'homme et la femme, enrobant les passages les plus salés de ses histoires dans une richesse de langue aussi décapante qu'incroyable, Innocent Yapi nous fait gober les mésaventures d'une mouche et d'une gazelle, la folle histoire d'un pauvre, avant de nous narrer La Grande Traversée. La Grande Traversée, morceau de bravoure où le conteur, s'appuyant sur la naissance de la vie, nous apprend que nous sommes tous des vainqueurs. Ce sera le clou du spectacle, alors qu'Innocent Yapi fait soudain chanter le spermatozoïde pour mieux nous parler de combat, de temple, de rivière et de chute. Les enfants n'y comprennent rien, les adultes restent sur le flanc devant cette grande leçon. Six contes plus tard, l'alsaco-ivoirien se tait. C'est tout ? Mais presque deux heures viennent de passer, personne ne s'en est rendu compte. A peine a-t-on entendu le Veilleur de Nuit entamer sa ronde en chantant, sur les coups de 22h. Personne ne semble vouloir partir. C'est à regret que l'on quitte sa chaise. Nous avons appris le pouvoir du pardon. Avons rencontré Dieu, drôle de gars. Avons pris conscience qu'il faut s'accepter comme nous le sommes. Avons compris pourquoi la mouche est un insecte désagréable. Avons côtoyé une femme amoureuse d'un oiseau. Tout cela, c'est grâce à un bonhomme plein de vie qui s'est démené pendant deux heures sur une estrade grande comme un timbre-poste. Et aux chants de son village, et aux histoires de ses ancêtres, et aux plaisanteries sur l'économie de marché et le match de foot de la veille, nous tous assemblés n'avons pu que répondre par des applaudissements. Et à bien y réfléchir, il y avait un temps où taper dans ses mains valait toute la musique du monde...

La Vallée des Contes
Du 29 juin au 9 Juillet 2006