Zorro : le musical
Sortir / Critique - écrit par riffhifi, le 10/02/2010 (Tags : zorro musical france theatre nouvelle paris scene
Les Folies Bergère accueillent la version française de Zorro, mise en scène par un Anglais... qui maîtrise son sujet au point de glisser dans un très bon spectacle "tout public" quelques clins d'œil pointus destinés aux ultrafans.
Depuis novembre dernier, les Folies Bergère accueillent la version musicale de Zorro, déjà titulaire d'un beau succès dans les pays anglo-saxons. Les communiqués de presse l'annonçaient comme une adaptation du roman Zorro écrit par Isabel Allende en 2005, mais heureusement, il n'en est rien : quel spectacle aurait-on pu tirer de l'enfance et de l'éducation d'un galopin qui, dans les toutes dernières minutes, aurait endossé le costume du justicier ? L'histoire se présente en réalité comme une habile synthèse des versions existantes, agencée
de façon à laisser un maximum de place à l'action.
Dans le rôle du chœur grec chargé de narrer le récit en y prenant part, on trouve un petit groupe de gitans présidé par l'inattendu Georges Beller (mais quand on réalise qu'il était au générique de Moonraker, on ne s'étonne plus de le trouver nulle part) : recueillant à Barcelone un jeune Diego chassé de l'Académie pour son insolence, la troupe lui apprend l'art de la magie et lui donne le goût du déguisement... Jusqu'au jour où il apprend la mort de son père, et son remplacement au poste d'alcade par Ramon, le frère aîné de Diego. Alerté par la jolie Luisa de l'attitude passablement tyrannique de son frangin, le galopin remballe son insouciance et retourne en Californie avec un masque noir et une grande cape.
Une fois passée l'éventuelle appréhension d'avoir à faire à une version chantée de Zorro (la plupart des dialogues restent parlés) et d'essuyer le répertoire des Gipsy Kings que l'on n'imagine pas forcément en accord avec le sujet (à part Jobi Joba, les morceaux s'intègrent sans peine), on apprécie la cohérence et le dynamisme de l'ensemble, qui alterne et marie avec bonheur le flamenco (la scène tremble !), la comédie (tout public mais pas exempte d'allusions grivoises), l'émotion (si si) et le spectacle. Ce dernier point est évidemment le plus présent, avec logo enflammé en début de représentation, cascades à gogo (les doublures de Zorro sont parfois
vite repérées, mais qu'importe) et, bien entendu, duels à l'épée (sans doublure, pour le coup). Mais tout axé qu'il soit vers le divertissement, le show ne brade pas pour autant l'intrigue de fond : articuler le conflit autour d'une opposition entre frères, développer le rôle du Sergent Garcia pour lui offrir un véritable relief (autre que physique) sont autant d'excellentes idées qui permettent à cette déclinaison de tenir aisément tête à ses homologues cinématographiques ou télévisés. D'ailleurs, si l'on aurait pu s'attendre à un concert de références à la version Disney qui passe en boucle sur les petits écrans depuis cinquante ans, force est de constater que le spectacle préfère adresser des clins d'œil à deux autres adaptations : le film de 1920 avec Douglas Fairbanks (on retrouve un Diego affublé de boucles d'oreilles et ostensiblement efféminé) et celui de 1974 avec Alain Delon (notamment dans la scène de duel finale).
D'un enthousiasme rafraîchissant et d'une efficacité imparable, Zorro version musicale constitue un excellent divertissement, respectueux de ses aînés et de son public - auquel il épargne le côté Roméo et Juliette bêlant qu'il aurait pu craindre.