7.5/10Catalina In Fine

/ Critique - écrit par Lilly, le 12/03/2006
Notre verdict : 7.5/10 - Pas si fini (Fiche technique)

Tags : fabrice melquiot catalina theatre livres fenetre litterature

Jean qui rit Jean qui pleure

Les deux masques du théâtre prennent corps dans une orpheline perturbée, divisée dit elle, énergique tant que déprimée. Catalina a deux visages. Catalina est une jeune fille de 13 ans, persuadée d'avoir été rejetée par ses parents et pour cause, Catalina est un monstre, la langue anglaise utiliserait le nom freak. Catalina a une tête, un visage devant et un visage derrière, là où normalement poussent les cheveux. Quand elle sourit devant, le visage de derrière pleure, et vice versa. Son unité joue un perpétuel pile ou face. Un jour, elle rencontre un vieil homme à la jambe de bois qui l'embauche à l'usine. Catalina y répand sa gaieté et transforme un monde maussade de machines grisâtres en un arc en ciel de bonne humeur et de folie incontrôlée.
Et pourtant toujours ces cauchemars, toujours cette pesanteur que lui apporte son deuxième visage, toujours cette souffrance hantée par le souvenir du rejet de ses parents. Pila gagne, face perd. La tristesse emporte avec elle ce petit corps qui s'est battu pour la vie, pour le bonheur. Ce lutin bavard qui a réinsufflé la vie au vieil homme et séduit cruellement le prince non charmant.

Onirique et pourtant

(photo : J-M Lobbé)
(photo : J-M Lobbé)
Le monde fabuleux de Catalina s'offre à nous comme un joli conte. C'est une usine magique qui répand ses couleurs sur le plateau, c'est une bande son puissante, ce sont des lumières vives, des costumes d'arlequin, un spectacle d'images, de couleurs et de sons. Les comédiens se donnent tout entier, on regrettera seulement le dosage mal géré de la bande son qui vient souvent couvrir les voix, et une articulation parfois peu distincte de la comédienne principale. Mais le ton est juste, l'énergie omniprésente. Et pourtant tout cela laisse sur sa faim, la fin arrivant elle trop tôt, trop tard, fleur fânée en cours d'éclosion. Le potentiel du spectacle, du texte, de la mise en scène comme des comédiens est là devant nos yeux, et pourtant on attend ce qui n'arrive pas, une intensité plus forte, un développement plus poussé de certaines idées. Oui on s'attend à ce que le spectacle aille jusqu'au bout. Et il n'y va pas. Si les premières minutes laissent présager un grand moment, certaines scènes ennuient et la fin déçoit nos espérances.

In fine

Retenons une finition tout à fait honorable du spectacle, mais surtout un champ immense à creuser. Catalina a-t-elle vraiment 2 visages ? Sa souffrance ne la berne-t-elle pas en la culpabilisant de ses moindres joies ? N'est-ce pas une fable narrant nos peines dissimulées ? Ou est-ce un pamphlet contre l'intolérance envers les anomalies des uns et des autres, un cri pour signifier que nous sommes tous différents ? Qui sommes nous au fond, qui se cache derrière ce vieillard soumis à sa hiérarchie, cette gamine qui se veut anormale, ce prince charmant laid rêvant de devenir nourrice ? Catalina n'est-elle pas au final qu'une petite fille entrant dans l'âge adulte, quittant un masque pour un autre, une toute petite fille traumatisée par la mort de ses parents ? L'intelligence du spectacle est de ne pas donner de réponses à cette série de questions. S'adressant particulièrement à un public compris dans la tranche d'âge 8 - 14 ans, le spectacle navigue tranquillement sur des sujets aussi graves que l'identité, le désespoir, la mort.

Tendre et cruelle, hyperactive et tétanisée, Catalina nous entraîne dans une quête de sens à travers ses rêves colorés et ses cauchemars, ses amertumes et ses nouveaux sentiments affectueux, sans pourtant ravir notre imagination aux sommets de ses promesses...