5.5/10La Force de l'Art 02

/ Critique - écrit par wqw..., le 15/06/2009
Notre verdict : 5.5/10 - Art contemporain-tin-tin et les médiateurs de la terreur (Fiche technique)

Si la Force de l'art était un disque, ce serait une assez bonne compilation pour l'été, pas désagréable mais sans surprise (bonne ou mauvaise), sans pertinence. Celle-ci rejoindrait rapidement la pile des albums qui prennent la poussière, à défaut de l'avoir revendu.

Y a-t-il une création contemporaine en France ?


Le ministère de la Culture organisait du 20 avril au 1er juin dernier la deuxième édition de la Force de l'Art, triennale d'art contemporain à Paris. Une quinzaine de jours après sa clôture, il est sans doute temps de faire un peu le bilan d'un tel événement. Sorte de best-of... de la création actuelle sur le territoire français que celle-ci soit l'œuvre de nationaux ou d'étranger, L.F.D.A.02 prenait donc ses quartiers dans la nef du Grand Palais, plus souvent habituée aux défilés de mode...

Les spéléologues de la lumière...

La Géologie Blanche
La Géologie Blanche
Posée au milieu de la nef telle une île, la Géologie blanche, scénographie de Philippe Rahm « imaginant une nouvelle atmosphère insérée dans la première, un écosystème appauvri, sans couleur ni variété, sans minéralité. » Un espace aseptisé, mini-labyrinthe, dont l'immaculée conception devient aveuglante dès qu'elle rencontre un rayon de soleil. On peut également se demander pourquoi une si faible superficie de la nef z été utilisée... Le lieu, magnifique, n'a clairement pas été employé de manière optimum, n'étant alors qu'une coquille vide.

Les résidents, les visiteurs, les invités et les virtuels.

Fabien Giraud et Raphaël Siboni (photo Didier Plowy)
Fabien Giraud et Raphaël Siboni (photo Didier Plowy)
Quatre catégories d'artistes étaient présentées lors de cette triennale la principale étant bien sûr celle des résidents. Une quarantaine de noms présentant, dans des boxes, une partie de leur travail : du « Proust lu » de Véronique Aubouy, fresque cinématographique qui regroupe plusieurs centaines de lecteurs dans des contextes inattendus, au cube noir de Fabien Giraud et Raphaël Siboni, dont les ‘pattes' lui font faire d'étranges mouvements sans coordinations, en passant par un homme-légume, Le Gentil Garçon ; là un impressionnant lustre en poubelles fondues, une bibliothèque circulaire ; ailleurs une construction végétale, un portail géant, la tour infernale du chinois Wang Du et le duo Butz&Fouque qui vient troubler à plaisir le visiteur de ses photographies érotiques et faussement naïves.

Anita Molinero (photo Didier Plowy)
Anita Molinero (photo Didier Plowy)
Les invités et les virtuels animent de leurs performances, leurs concerts, etc. quelques soirées de la Force de l'Art, mini-évènements dans l'événement tandis que les visiteurs, sortes de parrains confirmés de l'art contemporain viennent habiter des espaces en dehors du Grand Palais comme Bertrand Lavier à la Tour Eiffel ou Pierre et Gilles à l'Eglise Saint-Eustache. Là encore, des demi-succès : les ballons d'Annette Messager au Palais de la découverte sont à moitié dégonflés... L'œuvre d'ORLAN au Musée Grévin oblige le curieux et l'amateur à payer l'entrée exorbitante de cette maison des horreurs.

On regrettera le côté nombriliste de l'opération et ses revendications franchouillardes sans aucun doute dépassées voire déplacées. On est loin des événements qui se déroulent à Venise, New York ou Bâle.

Public mon amour.

Philippe Mayaux (photo Didier Plowy)
Philippe Mayaux (photo Didier Plowy)
L'organisation revendiquait d'ailleurs le faible prix du billet (pourtant plus cher que lors de la précédente édition) et si effectivement 6 euros en plein tarif représentent souvent la moitié du prix des expositions poids-lourd parisiennes, on relativise assez rapidement lorsqu'en une heure, même en prenant son temps, tout a été vu...

Disparition des audio-guides au profit d'une armada de médiateurs élevés en batterie dont le zèle à la limite de l'agressivité aurait presque fait regretter l'ère de la machine...

La Faiblesse de l'art 02 ?

Julien Previeux (photo Didier Plowy)
Julien Previeux (photo Didier Plowy)
On s'étonnait un peu des chiffres de fréquentations officiellement données tant la nef du Grand Palais semblait irrémédiablement vide. Et puis jeudi 10 juin, Libération lâchait le morceau sous un titre cinglant « La Force de l'art, la farce des chiffres » 107.000 visiteurs sont annoncés mais le bilan est tout autre : « le Grand Palais a enregistré 67286 entrées en 34 jours, soit une moyenne journalière à 1979. La première de la Force de l'art, en 2006, avait annonce 130000 entrées. » Un vrai flop pour un événement qui a coûté la bagatelle de 4 millions d'euros...

Faiçal Baghriche (photo Didier Plowy)
Faiçal Baghriche (photo Didier Plowy)
Si la Force de l'art était un disque, ce serait une assez bonne compilation pour l'été, pas désagréable mais sans surprise (bonne ou mauvaise), sans pertinence. Celle-ci rejoindrait rapidement la pile des albums qui prennent la poussière, à défaut de l'avoir revendu. Quand Don Morrisson évoquait récemment dans le Time "La Mort de la culture française", ce type de manifestation vient clairement dans ce sens et à l'heure où on évoque, malgré tout, une troisième édition, il serait temps de réfléchir sérieusement à la manière de faire de la Force de l'Art, non pas une énième manifestation sur l'art contemporain, mais un véritable événement !