Frantz Treichler joue dada - Zone Libre joue Nosferatu
Sortir / Critique - écrit par nazonfly, le 07/04/2012 (Tags : france bretagne dark revolution paris soiree jean
Zone Libre est assurément l'un des groupes français du moment, qu'il soit ou non accompagné de Casey. Nosferatu, quant à lui, est un des chefs d'oeuvre du cinéma d'horreur muet (en réalité, souvent le seul film que le péquin moyen connaît de cette catégorie). La rencontre entre les deux univers promettait des étincelles ; il était inconcevable pour nous de ne pas nous rendre à la séance qui faisait partie du festival Electrochoc de Bourgoin-Jallieu (38 represents!).
Frantz Treichler joue dada
La soirée commence heureusement comme un concert et non comme une séance ciné : pas de bandes annonces donc mais une première partie. Et c'est Frantz Treichler des Young Gods qui ouvre le bal sous le titre Frantz Treichler joue dada. Rien à voir avec le cheval mais tout à voir avec le mouvement artistique. Il n'est pas de notre ressort de vous faire une longue présentation du mouvement donc nous recopierons sans vergogne Wikipedia : « Dada est un mouvement intellectuel, littéraire et artistique qui, pendant la Première Guerre mondiale, se caractérisa par une remise en cause, à la manière de la table rase, de toutes les conventions et contraintes idéologiques, artistiques et politiques. » Nul doute que ce concert bouscule les conventions notamment en se servant de films expérimentaux comme support.
On se souviendra donc pendant longtemps de ce 9 minutes (voir la vidéo ci-dessous), de L'Étoile de Mer un film de Man Ray sur un scénario de Robert Desnos (visible sur Youtube) ou encore ce splendide effet stroboscopique de quelques minutes (un film de la mouvance fluxus qui pique vraiment les yeux sur grand écran). On regrettera juste de ne pas avoir la liste des films utilisés. Sur ces petits bouts de pellicule (au passage, il a fallu installer un projo indépendant dans cette salle sûrement numérique) Frantz Treichler pose des sons plus qu'il ne fait de la musique : beaucoup d'életronique, des sons mouvants qui passent d'un côté à l'autre de l'écran, des boucles hypnotiques, un peu de guitare acoustique qui entre, elle aussi, dans le même processus de bidouillage éclairé. Bref la musique est à l'image de ce qui se passe sur l'écran ; elle est étrange, insaisissable, expérimentale et ne reste pas dans les lignes habituelles. Le spectateur lui est traversé de différents sentiments : certains rient allègrement, d'autres se barrent en cours de route, la plupart regardent religieusement les yeux et les oreilles perdus dans un monde inédit.
Zone Libre joue Nosferatu
Après cette première partie hallucinée, c'est donc au tour de Nosferatu et de Zone Libre de se mettre en place. Il existe de multiples versions du film de Murnau : ce soir, nous aurons droit à la version 24 images/seconde d'une durée totale de 60 minutes avec des cartons en français qui redonnent aux personnages leurs vrais noms, le Comte d'Orlok de la version originale redevient ainsi le Comte Dracula. Nul besoin ici de résumer le film : il s'agit de l'histoire bien connue du Dracula de Bram Stoker, de nombreuses fois adaptée au cinéma.
Sur ce chef d’œuvre, la musique de Zone Libre sait se faire oublier, jouant dans le fond quand l'action est plutôt lente. Mais elle sait aussi soutenir parfaitement les passages importants du film; le voyage de Dracula en bateau se fait au bruit des gréements qui grincent : en réalité il s'agit juste de la guitare de Marc Sens ! D'ailleurs le guitariste est sans doute celui qui nous a le plus impressionné dans cette histoire : il apporte presque à lui tout seul les bruitages du film, perdus bien sûr dans un magma incandescent de guitares et de batterie. Mais les moments les plus marquants restent les instants de tension de Nosferatu. Dès que le vampire se pointe et commence de devenir inquiétant, Zone Libre s'en donne à cœur joie et soutient l'horreur du film par une musique angoissante qui laisse l'auditeur pantelant et couvert de chair de poule (et ce n'est pas une image !). Évidemment la scène finale est extraordinaire de stress : rarement le sentiment de tension aura atteint un tel niveau au cinéma. C'est génial, magistral, exceptionnel : les qualificatifs manquent comme vous pouvez le voir sur la vidéo suivante.
Une soirée placée sous le double signe de la musique et du cinéma ne pouvait évidemment être une mauvaise soirée, elle fut très bonne. Merci le Fellini de Villefontaine ! Et quiconque a la chance de voir Zone Libre ne peut qu'attendre de les découvrir une nouvelle fois dans leurs multiples projets.