Nous, les héros : lecture en public
Sortir / Critique - écrit par Lilly, le 11/12/2005 (Tags : livres lecture personnage heros lecteur texte roman
Regard sur une création en cours : ce moment de lecture est un oiseau de belle augure pour le spectacle à venir...
Sur scène 8 chaises, 8 pupitres. On s'attend alors à une lecture de théâtre agréable mais conventionnelle. Des applaudissements au rythme réglé tombent du haut du gradin, puis un à un tout en récitant leur texte les comédiens descendent du gradin pour monter sur scène. Le ton est donné : cette lecture, à défaut d'être mise en scène, surprendra par sa mise en espace.
8 chaises, 8 pupitres, 8 comédiens, 8 talents aussi différents que fascinants. Par une mise en abîme critique, fine et pleine d'humour, ils incarnent une troupe de théâtre en extrême tension. Sous des airs de famille se dissimulent jalousies haineuses, rivalités dangereuses, moqueries de bas étages et hypocrisie de haut vol. Les ego se heurtent de ce trop de vie commune. Les relations se croisent et s'emmêlent, personne ne s'aime vraiment et les imbroglios s'en mêlent. Le texte de Jean-Luc Lagarce questionne les rapports humains sans pour autant porter un regard dédaigneux et sans tomber dans la pédanterie. Simple, percutant et toujours rieur, le mot aborde des thèmes aussi variés et profonds que le théâtre et l'amour, les passions en somme.
Même s'il ne s'agit « que » d'une lecture, les comédiens usent au mieux de leur talent. Un talent frais, du sang jeune, la relève tant attendue du théâtre à Grenoble. Drôles, attachants, débordants d'énergie, chacun y va de sa personne pour montrer combien est vivante la création à Grenoble, combien on peut attendre encore du théâtre aujourd'hui. Vifs et justes, ils offrent leur voix, mais aussi leur corps, quoique quasiment immobiles, à ce texte contemporain accessible et plein de ressorts. La distribution est impeccable. Les jeux sont simples, quelques chants, des jeux de pupitres, déplacements de pupitres selon les personnages en scène, mouvements assis/debout en simultané avec baisse et remontage de pupitres, des arrivées puis des départs goutte à goutte de la scène. On ne voit que des prémices de corps en mouvement finalement, dans cette première étape à la création, et pourtant la force des comédiens stimule l'imagination des spectateurs qui se laissent porter par les sons, les expressions visuelles sans autres stimuli.
Le sourire aux lèvres, le coeur rassuré de voir que l'histoire théâtrale de Grenoble n'en est pas à son terme, qu'à côté des références incontournables et admirables, comme Chantal Morel dont nous avons déjà présenté le travail ici, de jeunes artistes prennent la parole. C'est avec une sincère impatience que nous attendons de pouvoir voir la création achevée, les choix de décors, de direction d'acteurs, de lumière, au Théâtre de création à Grenoble en mai 2006, sur une mise en scène de Grégory Faive, et avec 10 comédiens.
Créé il y a quelques années, L'Atelier réunit une équipe d'artistes sortis des dernières générations des classes professionnelles du Conservatoire, et envisage le théâtre comme un laboratoire de recherche. Nous souhaitons donc au collectif de trouver rapidement l'écho qu'il mérite.