7/10Les Sans plus rien

/ Critique - écrit par Lilly, le 24/07/2006
Notre verdict : 7/10 - Drame humain sur airs rock (Fiche technique)

Comment se construit-on une existence lorsque l'on n'a plus rien et que l'on porte avec soi l'étiquette du "Sans" ? Sans abri, sans domicile fixe, sans travail, sans argent... sans plus rien. Et pourtant dans le dénuement se tisse encore un quelque chose qui ressemble à l'amitié.

Près d'un mur en ruines, deux hommes exclus de leur société se cherchent, comme l'on cherche un camarade qu'on aime autant que l'on rejette. Deux frères de galère se disputent, en viennent aux mains, se tolèrent et se pardonnent. Autour d'eux, rien. Rien que quelques packs de bières, une guitare brisée, un cadis de supermarché pour tout bagage. Mais il faut bien vivre, alors les deux hommes partent en quête de moyens de subsistance, ils penseront à Grand mère, cette vieille radine qui n'a jamais rien donné à Noël. L'histoire de famille vire vite au vinaigre et les deux compères fuient, se réfugient dans leur isolement, dans le monde chimérique qu'ils imaginent à deux.

Le thème grave est traité avec un maximum de légèreté, l'action est épurée pour fixer les projecteurs sur cette relation humaine qui naît du rien. Ce duo c'est un peu Laurel et Hardy métamorphosés en un grand rêveur un tantinet benêt et un rockeur grassouillet quelque peu brutal. Maladroits et attachants, ils dévoilent petit à petit leur personnalité pour éclater en un beau final complètement déjanté, avec un concert live guitare électrique et micro à l'appui. Leurs histoires personnelles, complexes, sont évoquées avec parcimonie.
Face à cette situation tirée de la société contemporaine et portée vers une folie onirique, Thierry Dupré et son équipe ont choisi d'utiliser des formes elles aussi résolument contemporaines. Le recours à la vidéo renforce souvent l'aspect burlesque du traitement des personnages. La musique rock, elle, traduit l'explosion de colère et introduit un décalage entre ces deux hommes risibles et le tragique de leur situation. Si l'on rit, affirmons que c'est bien là du rire jaune, teinté d'aigreur.

Le Théâtre du Risorius a conçu de nombreux spectacles pour le jeune public et désire avec cette création toucher un public adolescent. Le choix des formes, extrêmement attractives, dynamise la pièce et capte l'attention. Il s'agit là d'une belle formule pour désacraliser le théâtre et témoigner de ce que peut être cet art aujourd'hui. Cependant, les adultes regretteront éventuellement la faible épaisseur dramaturgique ou le vide des actions des deux personnages, se résumant souvent à courir, ce qui laisse par moments retomber le rythme et l'attention. Les adolescents, eux devraient trouver là une accroche facile d'accès apte à alimenter ensuite leur questionnement sur l'exclusion et la marginalité.

Les Sans plus rien déconcerte par son audace formelle et sa montée en puissance. A la fin de ces 50 minutes, le public reste assis, ébahi face à la force des dernières minutes et bouillonnant de réflexion autour de la thématique abordée.