Trans'Roller - Course
Sortir / Critique - écrit par Kassad, le 27/09/2005 (Tags : roller trans ski france course pontarlier mouthe
La Transjurassienne est depuis sa création la plus grande course de ski de fond en France. 76 km pour traverser le Jura entre Lamoura et Mouthe, chaque édition regroupe des milliers de concurrents. Depuis 2001 cette épreuve s'est déclinée en une version été : la Trans'roller, qui se pratique en roller et en rollerski. La Trans'roller se déroule sur 35 km entre Pontarlier et Mouthe avec 300m de dénivelé positif. La région est connue comme étant la petite sibérie, et ce n'est pas par ce qu'il s'agit de la Transjurassienne d'été que le temps y est clément... Cette année, au top départ, la température devait bien friser les 5 degrés. Mais c'était tout de même mieux que les deux éditions précédentes qui se sont plus ou moins déroulées sous pluie battante.
La Transju occupe une place particulière dans le paysage des courses de roller. D'une part c'est l'une des dernières courses de la French Inline Cup, où les cadors peuvent s'expliquer entre eux, et d'autre part l'ambiance qui y règne est particulière et ne se rencontre nulle part ailleurs en France. A la limite on pourrait dire qu'il s'agit de la petite soeur de la One-eleven dont elle partage bien des points. Le parcours est champêtre et il ne s'agit pas de tourner en rond sur un circuit de quelques km comme dans la plupart des marathons. C'est sans doute pour cela que je n'ai raté aucune transju depuis qu'elle existe.
En ligne avec une tradition bien établie maintenant, nous nous sommes rendus sur place la veille : à 14 du même club dans un refuge pour y manger le traditionel chili d'avant course.
Dimanche matin, le temps est glacial et le vent pourrait décorner un zébu. Après un échauffement sommaire dans les rues de Pontarlier il faut s'agglutiner dans la zone de départ. Autour de mille personnes s'y retrouvent pour jouer un remake de la Marche de l'Empereur. Tous groupés contre le froid, et c'est vrai que ça marche. Nous sommes divisés en trois groupes : les élites hommes, puis élites femmes, puis la plèbe. J'arrive à rester au contact de Benoît, JB et Fabrice. Le départ de la course est toujours un peu cafouilleux : dans l'excitation plein de gens oublient qu'il s'agit d'une course de 35k et partent à fond. Les premiers km sont donc traditionellement occupés à doubler des patineurs qui se sont surestimés. C'est assez technique et je me fie à la dextérité des descendeurs : mon plan est donc de rouler derrière eux dans cette première partie. Après on verra bien.
Dans le Jura on est ponctuel et c'est donc pile à 10h03 (3 minutes après les pros), que le départ est lancé. La cohue est indescriptible, je dois bien rester 50 m derrière JB qui m'échappe alors qu'il passe au dessus d'un trottoir. Je parviens juste à maintenir un contact visuel avec Fabrice. Mon plan de course est déjà à l'eau. Petit à petit la pression de la foule se fait moins grande à mesure qu'on approche des portes de la ville. Une dernière trémie et c'est la première côte qui s'annonce. Je suis maintenant dans un pack d'une vingtaine de coureurs avec Fabrice. Le rythme est assez fort mais à l'abri ça va. En fait la course n'est pas encore stabilisée, alors que la pente s'accentue, certains accélèrent et d'autres lachent. Avec Fabrice on décide de calmer un peu le jeu et on agglomère quelques coureurs autour de nous. Quelques km plus loin on peut constater les dégats, nous ne sommes plus qu'une dizaine, un ou deux s'échappant vers l'avant mais le reste n'ayant pu supporter les coups d'accordéons.
Les moments qui suivent sont les meilleurs : dans un petit pack qui roule bien, je ne suis pas encore fatigué, il ne reste que des patineurs d'un niveau comparable. Dans ces moments là on a l'impression qu'on pourrait rouler à l'infini, que ça ne s'arrêtera jamais. Mais voilà, tout comme dans la vie ce n'est pas vrai, rien ne dure éternellement. C'est la dernière ascension de 5km qui met fin à ma rêverie. Devant, un mec s'excite à lancer des attaques et à chaque fois il faut en remettre une couche. Je hais ce mec car je sens que je ne vais pas tenir. Un par un les coureurs sautent, je prend mon ticket à la moitié de la côte. Encore une fois un moment de solitude totale, on vient d'être laché, on est crevé, démoralisé, tout seul, et ça continue à grimper. Alors on sert les dents par ce que c'est maintenant que la course se joue, c'est maintenant qu'il ne faut pas craquer. Je remonte des concurrents qui eux aussi sont passés dans le rouge, et je finis par faire un mini-peloton avec une élite féminine.
Il ne reste plus que 5 km, plus de côte, on pourrait se croire sauvé mais une dernière épreuve nous attend. Depuis l'année dernière la DDE locale a changé le revêtement sur cette fin de parcours : c'est du pur gratton qui vous fait remonter les vibrations jusque dans les dents. C'est horrible surtout quand on est fatigué, chaque coup de patin est donné avec réticence. Ce n'est plus un sport de glisse mais un sport de gratte ! Et le pire n'est pas encore passé. En effet pendant toute la course nous avons eu le vent dans le dos, mais l'arrivée elle se fait avec le vent de face. Quel choc, dans la dernière ligne droite (200m) je me croyais en plein cauchemard : je poussais comme un fou et je ne bougeais presque pas.
Ce n'est qu'une fois la ligne d'arrivée franchie que je me suis rendu compte de combien jai donné pendant cette course. J'ai les poumons qui raclent comme le dernier des fumeurs après une soirée de débauche (ça vaut le coup de faire du sport puisqu'on se tue à vous le dire !).