La valse du hasard
Sortir / Critique - écrit par riffhifi, le 03/09/2007 (Note ma vie
Le titre est élégant mais mystérieux, l'affiche un brin pompeuse et le texte de présentation du flyer carrément fumeux. Soyons honnête, le « marketing » qui entoure la pièce fait craindre le pensum intello-branchouille poseur et maniéré. Grâce au ciel (l'expression est mûrement choisie), il n'en est rien.
Salomé (Paméla Fabre) vient de mourir dans un accident de voiture. Arrivée au royaume des morts, elle est reçue par un étrange maître de cérémonie (Alex Disdier), qui l'invite à raconter sa vie par le menu. Le but : attribuer des notes à son récit, positives ou négatives. Si le total de ces notes égale 100 points, elle ira au Paradis ; sinon, elle se fera lécher les pieds par les flammes de l'enfer...
La première surprise, en posant les pieds dans la salle, vient de sa disposition inhabituelle. Pas de scène, pas de fauteuils de théâtre, juste un plateau sur lequel sont alignées plusieurs rangées de chaises, de part et d'autre du lieu de l'action. D'emblée, on est invité à choisir son propre point de vue sur l'action. Votre voisin, par ailleurs, a de grandes chances d'être un fantôme à la silhouette inquiétante, mannequin bricolé à l'aide d'un masque blanc et de quelques accessoires. Ambiance morbide sans être sinistre, on est intrigué.
Puis la pièce commence. Un face à face nerveux entre la femme déboussolée et son examinateur déboussolant, personnage hybride qui tient autant du juge impitoyable que du présentateur télé excentrique. Alex Disdier, avec son faux air du Thierry Lhermitte des débuts, donne une énergie constante au dialogue, empêchant le soufflé de retomber aux moments où Salomé laisse vaciller sa détermination. Comique sans être vulgaire, dynamique sans être hystérique, le jeu des deux acteurs, bien que lesté de quelques hésitations (à leur décharge, il s'agissait de leur deuxième représentation), donne l'impression enthousiasmante qu'ils tirent le meilleur de leur espace scénique réduit et de leurs accessoires symboliques. Le manque de moyens évident n'est donc pas une épine dans le pied du spectacle.
Le texte en revanche peut dérouter. Une fois admis le principe du jeu (le principe, pas les règles qui demeurent mystérieuses...), on s'amuse pendant un temps du ping-pong des dialogues, avant de se lasser progressivement du yoyo des notes ; atteindra-t-on les 100 points, ne les atteindra-t-on jamais ? Au bout d'un moment, on se surprend à penser que la pièce pourrait s'arrêter sur le champ, comme elle pourrait ne prendre fin que dans huit heures, douze jours ou mille ans. La quasi absence de montée dramatique (ou plutôt l'alternance constante de montées et de descentes) rend l'ensemble assez déroutant, et la fin peut laisser perplexe.
Néanmoins, on ne peut que saluer l'originalité et l'efficacité de cette production de la compagnie Paris-Londres (le metteur en scène John McLean est anglais), qui donne à deux acteurs de talent l'occasion de donner vie à un texte qui, bien que pas totalement satisfaisant, reste une réelle source de plaisir... Une expérience théâtrale sobre et originale, qui mérite qu'on y fasse un tour.