8/10Vlaminck - Un instinct fauve - Musée du Luxembourg

/ Critique - écrit par Danorah, le 06/04/2008
Notre verdict : 8/10 - L'épreuve du feu (Fiche technique)

Tags : vlaminck eur musee fauve luxembourg peinture instinct

Peintre trop méconnu, Vlaminck méritait bien d'être à nouveau mis à l'honneur lors d'une exposition monographique, dont la plus récente remontait à 1956 !

L'affiche de l'exposition a quelque chose d'étrangement alléchant. Elle attire le regard, l'agresse presque, avec toutes ces couleurs franches qui se détachent insolemment de la grisaille citadine. Puis vient le titre de l'exposition : « Vlaminck, un instinct fauve ». Le fauvisme. La peinture de la couleur, de l'exubérance, de l'excès... de l'instinct justement. Alors, quand l'instinct se fait fauve, c'est à peine si l'on ose imaginer la violence et l'immédiateté de la peinture qui doit en découler. Et pourtant, comment mieux qualifier les premières œuvres connues de Vlaminck que par ces deux mots ?

La Fille du rat mort, 1905
La Fille du rat mort, 1905
Instinctif, spontané, Vlaminck l'est assurément dans les années 1900 à 1907, qui voient naître les œuvres présentées dans la première partie de l'exposition. Grands aplats de couleurs pures, violentes, ou au contraire touches épaisses au relief marqué, les tableaux datant de cette époque révèlent une urgence, une volonté d'agripper l'instant et de le fixer sur la toile. Vlaminck peint vite, avec la volonté d'aller toujours plus loin dans l'explosion de la couleur : les rouges et les bleus, d'une intensité incroyable, sont encore soulignés par l'utilisation de couleurs plus douces telles que le rose ou le bleu clair, tandis qu'aucun souci de fidélité au réel ne vient ralentir la progression du peintre. C'est ainsi que l'on découvre au gré des toiles un saisissant cheval rouge, des arbres bleus ou encore des rues jaunes. Quelle importance si le motif est simplement esquissé, réduit à sa plus simple expression ? (Voir notamment ses portraits de femmes, constitués de traits grossiers et approximatifs.) Ce que recherche Vlaminck en premier lieu, c'est susciter l'émotion, faire appel à la sensibilité plus qu'à l'intellect. Les Ramasseurs de pommes de terre, 1905
Les Ramasseurs de pommes de terre, 1905
En témoigne le tableau Fleurs, Symphonie en couleur, dont le titre parle de lui-même : il y a quelque chose de musical, de viscéral et de lyrique dans la peinture de Vlaminck. La dynamique, l'intensité et l'énergie qu'il insuffle à ses tableaux ne cessent d'émerveiller.

Le succès de ces premiers tableaux, repérés par le marchand Ambroise Vollard, permet enfin à Vlaminck de vivre de sa peinture. Dès 1907 pourtant, Vlaminck et les fauves commencent à ressentir les limites de ce mouvement extrême, presque outrancier dans l'usage de la couleur : Vlaminck déclare « je souffrais de ne pouvoir frapper plus fort, d'être arrivé au maximum d'intensité, limité que je demeurais par le bleu et le rouge du marchand de couleurs. » C'est la peinture de Cézanne qui va alors influencer ses œuvres. Recherchant non plus l'intensité de la couleur mais une nouvelle représentation des volumes et de l'espace, Vlaminck peint des natures mortes et des paysages, urbains ou non, de la région parisienne, qui restera toujours son lieu de création favori. Les couleurs s'assagissent (l'influence de Cézanne sur celles-ci est très nette), les formes deviennent plus géométriques, la composition des tableaux plus raisonnée. Nature morte au couteau, 1910
Nature morte au couteau, 1910
Alors qu'une majorité de fauves se tournent vers le cubisme, Vlaminck refuse d'abandonner totalement l'art figuratif. Sa nouvelle approche surprend, et si elle touche moins directement l'observateur, on n'en demeure pas moins conquis par cette représentation de l'espace inédite jusqu'alors, et par cette perspective complètement faussée et déstabilisante.

Clairement divisée en deux grandes périodes, l'exposition met également à l'honneur de nombreuses céramiques qui ont vu le jour grâce à la collaboration de Vlaminck et du faïencier André Metthey. Une autre manière de découvrir l'art de Vlaminck, et de belles surprises en perspective.

C'est ici que se termine l'exposition Vlaminck, un instinct fauve : cette dernière n'a pas prétention à l'exhaustivité et ne présente pas les œuvres du peintre postérieures à 1915. Elle a cependant l'immense mérite de faire découvrir au public l'évolution très nette de son œuvre, des premiers tableaux violemment colorés aux paysages à la perspective déformée. Demeuré dans l'ombre de Matisse et de Derain, dont il était très proche, Vlaminck fait pourtant figure de précurseur du fauvisme, et son importance dans le développement de ce mouvement est loin d'être négligeable. L'exposition du Musée du Luxembourg est donc là pour remettre les pendules à l'heure, et ce n'est que justice.