Yoanna - La bonne aventure / Concert à la Bobine
Sortir / Critique - écrit par Lilly, le 06/02/2006 (Tags :
Cela faisait quelques mois que les rumeurs à son sujet se ruaient partout où se côtoient les amoureux de la culture. Cela faisait des mois que les bruits la définissaient comme un personnage particulier, une frêle femme forte, une chanteuse clownesque, irradiant dans son univers singulier. La Bobine lève le voile sur cette brindille de chansonnière accompagnée de son accordéon.
Yoanna, elle est toute petite, toute mince, toute jeune. On se demande comment elle va s'imposer face aux buveurs nombreux et bruyants de la Bobine ce soir-là. Pourtant, au son de son accordéon, les buveurs forment un public tout ouï. « Vous êtes venus de votre plein gré ou on vous a forcé », demande étonnée de ce succès la belle de la soirée. Complicité et humour, le ton est donné.
L'accordéon est l'instrument qui pleure par excellence. Celui de Yoanna est tendre, mélancolique parfois, mais aussi joueur. Deux morceaux instrumentaux chauffent la salle, les doigts de la musicienne défient les clappements de mains de dépasser leur propre tempo. Mais Yoanna n'est pas qu'accordéoniste. Elle est comédienne, humoriste, conteuse, dites le comme vous voudrez, mais elle aime parler. Parler pour introduire ses chansonnettes, pour lancer une petite blague, pour évoquer une anecdote, parler pour transmettre aux spectateurs sa joie de vivre, mais aussi ses coups de gueule. Les mots se bousculent, les notes s'entraînent dans une cascade de mélodies, parfois Yoanna perd le fil, parfois elle oublie son texte mais toujours elle maîtrise son jeu de scène, sourire grandiose et bourrasques d'énergie à l'appui.
Gavroche féministe, grande gueule racaillou, comédienne circassienne, elle prend le public par les cornes et l'entraîne dans ses histoires simples et crues : on y entendra parler de la Suisse, d'amour, de sexe, de femmes objet... Drôles et cinglants, les textes sont portés par un accordéon valsant, coulant, pesant, un jeu très rythmé, changeant, nuancé et dynamique. La voix porte toute la franchise et la force de cette personnalité qui s'épanouit si bien sur scène. Elle est dans la lignée d'Edith Piaf dont elle reprendra La Foule, une dent plus acérée peut-être, une couleur de voix plus enfumée, mais un timbre et un roulement de rrrrrrr très proches.
Nous n'avons pas le temps de se lasser de cette formule accordéon + chant que déjà une surprise nous attend. Yoanna appelle à ses côtés des musiciens, si peu accordéonistes, parés des mêmes rayures marines, ils jouent ensemble un hommage à l'accordéon. Puis chacun regagne sa place, percussions, basse, violoncelle, trombone, claviers, viendront surprendre, accompagner, enrichir et dynamiser les refrains yoannesques. Fafa, de Sinsemilia, et d'autres musiciens grenoblois ont travaillé spécialement avec Yoanna pendant une semaine pour concocter arrangements et trouvailles scéniques tant que musicales pour le concert.
Certes, elle en fait parfois un peu trop, certes elle use un langage de loubarde parfois excessif par rapport à ce qu'elle est, mais Yoanna se donne à la scène, à la musique, à la comédie, au conte, au cirque, à tous ces arts qu'elle a appris, avec toute sa fougue et sa générosité. Un vrai moment de plaisir, que l'on aime ou non la chanson, que l'on aime ou non l'accordéon, une petite dame suisse de 20 ans qui convaincra avec son charisme les plus sceptiques. A noter que l'album 7 titres « La bonne aventure » nous permet de poursuivre un bout de route avec elle.