6/10Square Raspail - Lyon

/ Critique - écrit par camite, le 31/05/2004
Notre verdict : 6/10 - petites joies, petites peines (Fiche technique)

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La « promenade » de la place Raspail est presque déserte au petit matin. Quelques personnes du quartier sortent leurs chiens qui, tout heureux de marcher dans l'herbe, repartent enjoués pour la journée. La verdure a parfois des vertus excitantes sur certains d'entre eux : deux caniches facétieux s'amusent à faire tourner leur maîtresse en bourrique, tandis qu'un berger allemand sans accompagnateur apparent massacre allègrement les fleurs, ne s'attardant guère après son forfait.

A ce stade de la journée, le square a des airs de petite jungle dans la ville avec ses quelques bambous. Les nombreux oiseaux perchés dans les arbres chantent si fort qu'ils couvrent de leur musique naturelle le bruit de la circulation. Alentour, les arrosages automatiques humidifient l'air d'une douce brume aquatique, détournant l'attention de passants régulièrement pris au piège du fil de soie laissé par quelque araignée. Autour des bancs, de petits oiseaux se disputent des miettes avant que leurs « parents » ne viennent leur ravir la politesse. En été, le soleil descend peu à peu sur le square, on vient s'asseoir sur un banc, boire la bière du petit déjeuner, clope à la main et raï à la radio portable, ou simplement contempler l'aire de jeux avant l'inévitable invasion enfantine.

Peu avant midi, les arrosages s'activent régulièrement en divers endroits de la promenade. De jeunes mamans lisent ou téléphonent pendant que leurs bambins investissent les constructions de bois, s'imaginant un extravagant château avec garage et cabane intégrés là où il n'y a que planches et chaînes d'escalade. Les petits qui montent trop haut se retrouvent parfois en mauvaise posture, obligeant leurs mères à grimper sur le toboggan pour aller porter secours (sans décoller l'oreille du portable, bravo). Les rires des enfants ne suffisent pas à réveiller un dormeur sur banc. Non loin, une jeune fille venue avec ses petits frères cache difficilement son ennui. Midi passé, des touristes arrivent avec glacière et baguettes de pain alors qu'une équipe de nettoyage se charge de vider les poubelles.

L'air devient plus lourd l'après-midi. Tout le monde semble déguster à sa façon : jus d'orange, cornet de glace, livre ou musique. Une mère et ses trois filles viennent souffler après des achats dans le centre. D'autres viennent tout droit de la piscine du Rhône située à deux pas. Sous les installations de bois, une petite fille tombe désabusée sur des déchets laissés là par trois jeunes squatters. Le désarroi est visible mais s'efface rapidement dans un nouveau jeu. Asiatiques, maghrébins, africains... tous jouent ensemble, partagent leur goûter dans un petit restaurant improvisé, rassemblés par leur admiration commune pour Pikachu ou les Télétubbies. Les parents, venant aussi bien du quartier chinois de la proche rue Pasteur que du quartier arabe situé à peine plus loin vers Guillotière, sont des habitués de l'endroit, se reconnaissent et discutent ensemble. Un peu plus loin, dans l'herbe et à l'ombre des arbres, des « grands » se rassemblent ou font la sieste.

A l'approche du dîner, des ados font un break avant de partir en soirée. Pour les enfants, le soleil est toujours là et l'envie de rester compréhensible. Des parents font mine de partir pour leur faire comprendre qu'il faut rentrer. D'autres les arrachent à leurs compagnons de jeu, déclenchant parfois les larmes. La place leur paraît alors cruelle... Jusqu'au lendemain.