Nuits Sonores 2004 - Lyon
Sortir / Critique - écrit par Kassad, le 24/05/2004 (Tags : nuits sonores festival lyon ville artistes musiques
Selon notre calendrier catholique l'Ascension est la montée de Jésus aux côtés de son père. A Lyon, pour la deuxième année consécutive, c'est aussi le moment où la musique électronique descend sur la ville. Pendant quatre jours, grosses soirées, guinguettes et siestes sonores se sont succédées. Sur une petite cinquantaine de lieux ce sont tous les styles électros qui sont à l'honneur de la Tek-house la plus dansante au Hardcore le plus violent en passant par le Trip Hop, la Trans, la Jungle etc. Je ne sais pas si c'est pour se donner bonne conscience, mais en tous cas la municipalité lyonnaise a vu les choses en grand. Il faut en effet resituer ce festival dans un contexte festif lyonnais plutôt morose. Il n'y a qu'à sortir un peu en ville pour s'en rendre compte. Je ne prendrais que l'exemple du Ninkasi Opéra affublé d'un micro d'ambiance qui coupe tout à partir de 90 décibels. Pas vraiment de quoi mettre le feu dans un live... Les bars et boites connaissent de plus en plus de problèmes eut égard à une politique de plus en plus rigide. Entre liberté des fêtards et tranquillité des riverains la municipalité a clairement tranché. Faut il voir les Nuits Sonores comme une soupape de sécurité ? Une reprise en main "controlée" du phénomène rave-party pour canaliser une frange de la population par essence insaisissable et incomprise ? Je vous laisse juge. Que le festival commence!
La première soirée aux Subsistances donne déjà le ton : ce sera du bon, du haut-niveau. Pas un de ces festivals cheap avec une ou deux stars entourées de faire-valoir. Juste pour vous donner une idée de la programmation : sur deux salles on trouve des noms aussi prestigieux que ceux des DJ Carl Craig, Agoria, David Carreta et rien de moins que l'inventeur de la techno himself, j'ai nommé Derrick May. Si en plus on ajoute à ça la magie du lieu - les Subsistances sont un ancien couvent du 17 ème qui fut transformé en fort militaire (pour y entrepauser vivres et munitions) puis en véritable laboratoire artistique à ciel ouvert - toutes les espérances étaient permises. He bien je dois dire que je n'ai pas été déçu. Disons que jusqu'a 5h00 du matin je n'ai pas vu le temps passer. De toute la nuit c'est Agoria qui ressort le plus du lot. Il est sûrement le DJ qui m'a le plus fait danser. Ses montées en puissance sont subtiles et il arrive à tenir la salle dans une tension palpable avant de la délivrer. Du côté de l'organisation tout était très propre, trés pro. Les boissons d'un prix abordable sauf, et c'est le seul bémol que j'émettrais, en ce qui concerne l'eau qui était au même prix que la bière. Ca peut en faire sourire certains mais quant on connaît les spécificités que présente une foule de ravers, rationner l'eau tient presque de la faute médicale.
Le problème de ces festivals est qu'il s'y passe trop de choses et que par définition il est impossible de pouvoir assister à tout. Il faut donc choisir mais aussi se reposer. Car les Nuits Sonores contrairement à ce qu'indiquent leur dénomination n'ont pas lieu que la nuit mais bien toute la journée. Après la soirée suivent les after, notamment les siestes sonores au confluent du rhône et de la Saone (avec les scratch qui réverbent sur la colline de Ste Foy : un autre grand moment). A deux pas de la Sucriére, pour achever les derniers acharnés, scène et croissants vous attendent. De 8h00 à 22h00 juste le temps de vous amener aux apéros sonores. Rue de l'Arbre sec, Jardin Villemanzy (surement le plus beau spot des Nuits Sonores), place Colbert dans les pentes de la Croix-Rousse... Les bars sortent de leur coquille et les DJ investissent la ville. Une fois l'apéro terminé c'est reparti pour un tour... Vous l'aurez compris si vous n'êtes pas aidé, impossible de tenir le rythme...
Mais il ne faudrait pas limiter ce festival à un défilé de soirées, de DJ et de live. C'est tout un concept artistique sur la culture électronique qui est à l'oeuvre. Ainsi l'institut Lumière proposait une nuit de projection des films marquants de cette culture : Interstella 555, Trainspotting, Scratch... Le Rectangle présentait des performances sous le titre évocateur de "Jours d'hypnose", l'espace d'arts plastiques de Vénissieux exposait les relations entre les arts plastiques et la musique... Voire d'autres évenements plus difficilement classables comme ce cours de mix de DJ Poulet qui offrait au passant lambda quelques uns des secrets d'un set réussi ou comment utiliser des vieux vinyles de Tino Rossi pour les scratcher dans un morceau 100% pure techno.
Finalement je n'ai qu'une hâte. Que Jésus remonte au ciel une fois de plus pour un nouvel opus des Nuits Sonores. On ne peut nier que la municipalité Lyonnaise ait sorti les grands moyens. D'ailleurs sa politique d'événements forts (dans un autre style on pourra noter la fête des lumières) portent d'une certaine manière ses fruits puisque l'on voit un public de plus en plus éclectique se rendre à Lyon pour l'occasion. Mais à vouloir jouer dans la cour des grands n'en oublierait-on pas la vie de tous les jours ?