Lumière !, au Lucernaire

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Une pièce captivante et éclairante qui dévoile comment la science peut être à la fois un moteur de progrès et un vecteur de tragédies.

Résumé:

New-York, 1878. Assoiffé de progrès, le couple Edison multiplie les inventions révolutionnaires. Mais Thomas Edison, insatiable, poursuit désormais un rêve : celui d’éclairer le monde en devenant le maître de l’électricité… À sa grande surprise, le génial inventeur n’est pas seul dans la course. L’excentrique Nikola Tesla et, surtout, l’ambitieux couple Westinghouse sont eux aussi bien décidés à illuminer l’avenir. Terrorisé à l’idée de ne plus être à la hauteur de sa légende, Edison va tout faire pour remporter la bataille. Quitte à pactiser avec la nuit, en inventant l’inimaginable au nom du progrès…

Notre avis:

Le célèbre proverbe de Rabelais, "Science sans conscience n'est que ruine de l'âme", résonne avec force dans "Lumière !", une pièce actuellement jouée au théâtre du Lucernaire à Paris. Elle nous plonge dans l’histoire fascinante des débuts de l’électricité à travers les destins croisés de trois figures clés, dont l’inventivité et les ambitions ont façonné notre quotidien.

Tout commence avec Thomas Edison, inventeur assoiffé de découvertes et de brevets, suivi de Georges Westinghouse, industriel moins connu mais pionnier du chemin de fer, prêt à risquer sa fortune et sa réputation (de copieur ?) pour rivaliser avec Edison. Enfin, Nikola Tesla, ingénieur visionnaire et excentrique, qui quitte Edison pour collaborer avec Westinghouse, convaincu que le courant alternatif est la clé de l’électrification de masse (Edison, au contraire, est convaincu que le seul le courant continu pourra le faire).

©Frédéric Toulet.

Cette pièce est brillante car elle prend le temps de développer trois thématiques.

Nous suivons comment l'émulation des deux anciens amis que sont Edison et Westinghouse et qui se transfome en guerre totale: brevets, procès, diffamation. Elle met aussi en lumière comment s'opère le progrès scientifique, fruit d’erreurs, d’intuitions et d’une persévérance sans faille. Enfin, la pièce s’intéresse aux rôles souvent sous-estimés des femmes : Mary Edison, modérée et opposée à la peine capitale, et Marguerite Westinghouse, ambitieuse et déterminée, qui n’hésite pas à pousser son mari toujours plus en avant.

Un personnage plus sombre, William Kemmler, surgit par moments pour raconter son histoire tragique: il sera la première victime de l'inconscience et l'orgueil de Thomas Edison, Georges et Marguerite Westinghouse. Effectivement, leurs rivalités  vont aboutir à la création de la première chaise électrique. Son récit poignant, notamment le choc des trois décharges électriques de 1 000 volts qu’il subit, jette une ombre glaçante sur les avancées technologiques.

La mise en scène et la scénograpique sont très abouties: un décor astucieux composé d’étagères et d’ampoules recrée l’atmosphère des laboratoires d’époque, les comédiens en jouent pour rentrer/ sortir, expliquer leurs idées aux spectateurs, etc. Les costumes sont soignés et renforcent notre immersion dans l'époque. La pièce est dynamique et s'autorise parfois un peu d'humour bienvenu.

Le jeu des comédiens est impeccable, avec deux performances particulièrement marquantes : Romain Arnaud-Kneisky incarne un Tesla exubérant et fascinant, tandis que Mathias Marty, dans le rôle de Kemmler, offre un final bouleversant et chargé d’émotion. Mais l'ensemble du casting est vraiment à saluer.

"Lumière !" est une pièce instructive, vivante et poignante. Krinein est conquis par cette pépite théâtrale, qui nous éclaire autant sur l’histoire de l’électricité que sur les dilemmes éthiques qui l’entourent

Informations pratiques:

Au théâtre Lucernaire, du mardi au samedi à 19h et le dimanche à 16h, jusqu'au 2 mars 2025.

©Frédéric Toulet.